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Jean Huchard

N° 101 - LES DOMICILES DE JACQUARD A LYON (1/2)
 

Evoquer Jacquard en s'appuyant sur des faits établis, provoque toujours des surprises. A commencer par son véritable nom patronymique qui n'est pas Jacquard - mais Charles (comme le prénom).

Lyon, Couzon-au-Mont-d'Or, Oullins dans le Rhône, si l'on croit ses divers hagiographies, se disputeraient 'honneur d'avoir vu naître Joseph-Marie Charles (dit Jacquard). Rassurons tout de suite nos concitoyens : Jacquard est bien é à Lyon, paroisse de Saiont-Nizier, le 7 juillet 1752. Il est le cinquième enfant d'une famille qui en comprendra neuf.

Avancera-t-on sur un terrain plus sûr au sujet de ses domiciles lyonnais ? Non, tous ceux qui ontécrit la vie de Jacquard tiennent à l'enfermer dans un décor misérabiliste : galetas, grenier, mansarde, etc. Essayons, pour aujourd'hui, de retrouver les lieux réels qui ont vu vivre le grand homme.

 

Les domiciles de l'enfance

Son père, maîtrez-fabricant en étoffes d'or, d'argent et de sois, avait épousé une jeune savoyarde, Antoinette Rive, le 22 janvier 1747, à Couzon-au-Mont-d'Or d'où il était natif. Le couple s'installe maison Berne, Grande-rue de l'Hôpital. Ce sera la maison natale de notre personnage. Les grands travaux de percement de la rue Impériale (actuelle rue de la République) ont détruit en grande partie cette rue dont il ne reste qu'un fragment : la rue Marcel-Rivière. On peut donc situe le lieu de naissance de Jacquard dans le périmètre de la place de la république actuelle. 

 

Le 15 mai 1754, la famille déménage pour venir habiter non loin de là, rue Grolée, maison Millet. C'est une bâtisse importante, de cinq étages, dont la façade principale se trouvait rue de l'Attache-des-Boeufs (fragment de l'actuelle rue Childebert) avec une façade quai de Retz (actuel quai Jules-Courmont) et une autre rue Grolée (ancienne). C'est là que mourra Antoinette Rive, la mère de Jacquard, le 15 juillet 1762, à l'âge de trente-huit ans seulement. Cette maison a été absorbée par la rue Childebert lors des travaux d'urbanisme du XIXe siècle.

Vers 1763, nouveau déménagement dans le même quartier pour venir maison Paradis, à l'angle Sud du quai de Retz et de la rue Moricaud (actuelle rue Jussieu). L'appartement, situé au deuxième étage, avec vue sur le quai, comprte une chambre et un atelier de trois métiers à la grande tire.

De sa nombreuse famille, il ne reste au père de Jacquard que sa fille aînée : Clémence, âgée de 16 ans, et le jeune Joseph (Jacquard), âgé de 11 ans et qui est illettré total. Or antérieurement, en 1758, était venu s'installer dans le même immeuble du quai de Retz, maison Paradis, Jean-Marie Barret, imprimeur et libraire comme son père Nicolas. Jean-Marie, âgé d'environ 32 ans a remarqué cette jeune voisine et succombe à ses charmes. Il épousera Clémence, la soeur de Jacquard, le 20 janvier 1765, en l'église Saint-Nizier. Jean-Marie Barret, homme cultivé, aura auprès de son jeune beau-frère un rôle de formation important. Il l'instruira et lui montrera un autre horizon que la soierie.

En 1772, le père de Jacquard meurt, âgé de quarante-huit ans seulement. Il lui laisse son atelier à Lyon, une maison, des vignes, des terres et des carrières à Couzon-au-Mont-d'Or. Tout ce quartier en bord de Rhône subira de profondes transformations. Vers l'emplacement de la maison Paradis se trouvce maintenant le Grand Hôtel Concorde. Or, de façon fortuite, un des salons de cet établissement a reçu le nom de "Jacquard". Il nous plaît de voir un clin d'oeil de l'histoire.

A sa majorité, les déménagements continuent

Nous retrouvons seulement Jacquard, en 1776, lorsqu'il habite rue neyret. Faute de précisions, il ne nous a pas été possible de situer cet immeuble. Le futur inventeur se dit alors marchand-fabricant, ce qui est peu probable puisqu'il n'est pas inscrit sur les registres des maîtres-gardes de la Grande-Fabrique. A cette époque, la Grande Côte et la rue Neyret étaient l'endroit de Lyon où se trouvaient le plus grand nombre d'ateliers de tissage de la soie.

Au début de l'année 1778, Jacquard se fixe rue Bouteille. Il se dit cette fois maître et marchand-fabricant, déclaration peu crédible puisque les deux professions étaient souvent antagonistes. Les sources de l'époque ne permettent toujours pas de préciser l'emplacement de la maison. Il se marie le 26 juillet 1778 avec Claudine Boichon en l'église de la Platière. Le couple y habite toujours en 1779. C'est là que naît leur fils unique, Jean-Marie, le 18 avril 1779. Il sera baptisé le 20 avril en l'église paroissiale Saint-Vincent.


Jacquard propriétaire

La belle-mère de Jacquard, veuve Catherine Boichon, demeurait en compagnie de sa fille Claudine jusqu'au mariage de celle-ci, dans une maison dont elle était propriétaire, sise rue de la Pêcherie, angle de la place de la Platière. C'était un immeuble de trois étages, d'une contenance de 652 pieds carrés (68,39 m2) comprenant deux pièces par étage.

Laveuve Boichon avait une autre fille d'un premier mariage, Jeanne-Antoinette Desessard, qui s'était mariée avec un bourgeois lyonnais demeurant place du Petit-Collège. Pierre-Amable Fleury était aussi propriétaire d'un v aste domaine à Oullins.

Catherine Boichon meurt en 1784. Les mariés Jacquard et Fleury sont donc propriétaires dans l'indivision de cet immeuble de la rue de la Pêcherie.

Après la mort de P.A. Fleury, sa veuve abandonne sa part au profit de sa fille Jeanne, par acte de donation en date du 18 pluviôse an 8 (7 février 1800). Celle-ci avait épousé le sieur Joseph Chastelas, négociant. Mais le 13 germinal an 8 (3 avril 1800) Jeanne et son mari vendent cette part au boulanger locatiare du rez-de-chaussée, François Coquard.

Après la mort de F. Coquard en 1816, Claudine Boichon et son mari Joseph Jacquard rachètent à leur tour la part en question, après vente par licitation faite au tribunal civil de Lyon, le 17 mai 1817 (1).

Le 19 juillet 1823, les mariés Jacquard/Boichon vendent cette maison de la rue de la Pêcherie aux sieurs Jacques Duvand, négociant et Jean-Christophe-Michel Toussaint, officier d'infanterie. "Cette vente faite au prix de dix mille francs payables sans intérêts jusqu'à leurs décès entre les mains de leurs héritiers et en outre une pension viagère de deux mille francs. Total 30.000 francs" (2). Jacquard, dont on perd la trace entre 1780 et 1790, a sans doute habité cet immeuble après la mort de sa belle-mère en 1784. En 1791, nous savons qu'il y demeure avec sa femme et Marguerite Vignard, sa petite cousine, qui est à leur service depuis 1785.

La maison est louée à des gens exerçant diverses professions. Nous y trouvons, en dehors des boulangers, un tenant de plate à louage, une ourdisseuse avec son oudissoir, un affaneur (manoeuvre), une accoucheuse, une garde-malade, un homme de peine et, en 1819, une lingère, la veuve Lefranc que les recensements n'hésitent pas à qualifier de F.P. ou de fille publique. En 1820, le nommé Provins qui se déclare ouvrier tailleur, installe au deuxième étage une maison publique, c'est-à-dire un bordel ... L'établissement perdurera jusqu'en 1828, date de la démolition de cette maison.

Le 20 décembre 1819, Jacquard adresse une lettre au Maire de Lyon, en tant que propriétaire de la maison située à l'angle de la place de la Platière et de la rue de la Pêcherie pour une question de sûreté publique et demande la permission de faire reconstruire en maçonnerie le remplissage d'un arc du rez-de-chaussée qui présentait un péril imminent. Jacquard quittera cette maison vers 1804 ; curieusement il ne l'habitera plus. Il est vrai que ce quartier est vétuste, les constructions datant du début du XIVe siècle.

Jean Huchard - Bulletin Municipal Officiel de la Ville de Lyon n°5104 - 18 février 1996

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(1) Archives départementales du Rhône, cote 3 E 23022, acte passé par devant Coste, notaire, le 19 juillet 1823.

(2) Archives départementales du Rhône, cote 37 Q 47, folio 170 Enregistrement.

Jacquard était propriétaire de la maison 21, rue de la Pêcherie.

Elle a été démolie pour raison d'alignement. Elle formait un étranglement dans la rue ou place de la Platière.

Les maisons bordant la Saône, coté occidental de la rue de la Pêcherie ont été rasées pour permettre la construction du quai du duc de Bordeaux, appelé ensuite quai d'Orléans. C'est l'actuel quai de la Pêcherie.

(Photo Alain Basset / Musée des Beaux Arts de Lyon)

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